Le commentaire d’Edouard me renvoie à un sujet que je n’ai pas encore abordé ici. C’est vrai qu’à relire parfois mon blog, je me rends compte de la vision un peu partielle qu'il reflète... Mais on ne peut pas parler seulement de beaux quartiers, de magnifiques paysages et de voyages merveilleux, d’inoubliables fêtes entre amis et de ma petite vie d'étudiante expatriée. Ca me rappelle le Bac Français en Première et Candide, où 'tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles'.
Ne croyez pas que je découvre le côté pauvre de l’Amérique Latine, on ne peut pas vraiment ne pas le voir, surtout lorsqu’on voyage. Mais vous ne verrez pas de photos. Il y a des choses que ma conscience m’empêche de photographier. La pauvreté n’est pas un attrait touristique, ces personnes ne sont pas des bêtes de foire, ce sont des Hommes, des Femmes, qui eux aussi ont droit au respect.
Il y a un nombre incroyable de personnes handicapées, amputées, qui marchent avec une manche de pantalon vide et des béquilles, ou à qui parfois il manque les deux jambes et qui sont en fauteuil roulant. Des gens qui ont des trous béants dans la mâchoire. Il y a des bidonvilles, des villes fantômes (Humberstone par exemple), des villes tristes à traverser, où la seule chose qui fait vivre c’est l’industrie minière (le Nord du Chili surtout). Pas seulement les villes minières, il y a aussi des villes comme Valparaiso, image mythique d’un port et d’un développement économique, et pourtant ville en majorité pauvre, déchue de son importance depuis l’ouverture du canal de Panama. Il y a les ordures qui volent, les SDF dans la rue, les tags sur les murs et les maisons à moitié écroulés, les vols à la tire, des gens qui vous arrachent votre sac ou partent avec sans même vous toucher, par simple diversion.
Mais ce sont aussi des gens, parfois pieds-nus et en haillons qui viennent mendier jusqu’à la terrasse des cafés. Les femmes, des enfants, des jeunes filles, des personnes âgées. Ce sont des sans-abris, la nuit, qui mendient quelques piécettes auprès des gens assis aux bars… qui parfois sont déjà ivres, qui parfois sentent l’herbe, des personnes qui sont en état physique déplorable, et qui parfois commencent à se battre (ça je l’ai vu). Ce sont aussi des gens qui vivent de pas grand chose, des étudiants qui font des numéros de jonglage au feu tricolore, des gens qui jouent de la musique dans les bus, qui vendent des barres chocolatées, des bombons, des empanadas et des sandwiches ou encore des fleurs dans les bus, le long des autoroutes, près des stations de métro, à la sortie des bureaux, parfois jusque dans les magasins. Parce que c’est ça, aussi l’Amérique du Sud : un immense fossé social.