Rien n’est jamais parfait et la démocratie non plus. Nous pouvons nous plaindre des dérives présidentielles françaises, des impôts qui montent (et vous pouvez me dire que c’est facile à dire puisque je n’en paye pas encore, j’accepte les critiques), du mauvais temps, du trou de la sécurité sociale, des querelles politiques… Mais nous autres, Français, Européens, qui avons des papiers d’identité, qui avons une maison, qui avons un travail et une vie sociale, qui jouissons de droits et de devoirs, les enfants vont à l’Ecole, d’ailleurs l’instruction est obligatoire jusqu’à seize ans, nous qui avons une sécurité sociale qui nous couvre (intéressez-vous donc au cas des Etats-Unis, où la santé est devenue un business monstrueux)… Avons-nous à nous plaindre finalement ?
Souvenirs… lorsque j’étais à Londres en séjour linguistique, j’ai eu une fois à discuter avec un Polonais, un Tchèque, deux Russes, une Kazakh, une Espagnole et une Brésilienne du thème suivant : « quelle est la situation de votre pays par rapport à l’époque lorsque vos parents avaient votre âge ? »
- Espagne : dictature de Franco
- Russie : Union Soviétique (se passe de commentaire)
- Pologne – Rép. Tchèque : communisme, répression
- Brésil : corruption, insécurité, trafics en tous genre, travail des enfants, pauvreté et bidonvilles… c’est toujours le cas.
- Kazakhstan : un président autocrate, corruption… une ex République soviétique qui a tourné en oligarchie.
(et j’en passe. Pour vous donner un aperçu)
Et moi, qu’avais-je à dire ? Je les ai laissés parler. Lorsqu’est venu mon tour, je leur ai dit : « eh bien, euh… oui, il y a eu l’abolition de la peine de mort et euh… l’arrivée d’internet ». Dérisoire. Pacotillesque. Je leur ai dit également que je n’avais rien vraiment à dire. Que ce n’était pas comparable. Et que j’en étais bien consciente, avec un regard d’excuse et un sentiment de gêne.
Une de mes proches amies ici s’appelle Laura. Elle est Colombienne, justement, de Bogota. J’ai rencontré ici plusieurs Colombiens, tous très sympathiques. Et qui ont changé mon regard sur leur pays. Honnêtement, quelle est l’image de la Colombie depuis la France ? Un pays dangereux, recouvert par la jungle, aux mains des FARC et des narcotrafiquants. Et bien détrompez-vous. Oui bien sûr la Colombie c’est ça, mais ce n‘est pas que ça. La Colombie c’est la jungle, mais c’est aussi la côte, c’est un pays qui a un potentiel touristique énorme (toutes les personnes qui y sont allées en sont revenues enchantées), un pays civilisé. Bogota n’est pas aussi sûre qu’une ville européenne peut-être mais bien plus que le Brésil. On peut vivre normalement, circuler sans peur. Les FARC sont un groupuscule armé marginalisé, qui ne survit que du trafic d’otages et de drogues. Laura m’a dit qu’il y a quelques années, une marche contre les FARC avait réuni sept millions de personnes (dans un pays qui compte 40 millions d’habitants). Et qui malgré tout a connu des améliorations sociales … dont les résultats restent mitigés.
Car la Colombie reste un pays d’Amérique du Sud… un pays pauvre, corrompu, machiste, ce qui engendre un fatalisme et donc une sorte de ‘paresse’…un pays avec des très riches et des très pauvres mais pas vraiment de classe moyenne, scindé en deux comme le sont généralement les pays dits « du Sud » … un pays où tous les moyens sont bons pour se faire de l’argent sur le dos de l’Etat – jusqu’à simuler des divorces, puisque les mères célibataires touchent des primes (mais on continue à vivre ensemble, ou bien les hommes se marient, divorcent, se remarient etc. pour assurer des allocations au maximum possible!), sans compter bien sûr les décès non déclarés etc. Et ce ne sont que deux exemples donnés par Laura.
Il en reste encore vingt-et-un, des prisonniers (surtout des militaires), retenus depuis plus de douze ans. Alors je ne dénigre pas les protestations contre, par exemple, la nomination par le président du patron de France Télévisions ou des scandales politico-médiatiques sur le non-respect de la liberté de la presse. Pas du tout. Je pourrais vous citer des exemples sur le Chili, puisque le nouveau Président est propriétaire de plusieurs quotidiens et chaînes de télévision. Je veux juste rappeler que nous avons de la chance et que nous avons tendance à l’oublier. Même si ce n'est pas un privilège auquel nous avons droit mais un droit que nous avons conquis au fil des siècles, qui finalement n'est jamais définitivement acquis et pour lequel il faut se battre sans relâche.